Journal de voyage AUSTRALIE (9)

Publié le par Surcouf

Chez Crocodile Harry, le mauvais goût élevé au rang d'oeuvre d'art
Dans l'antre de Crocodile Harry
       Le soir, nous reprenons notre quête de peintures aborigènes. Il y en a de belles dans certaines boutiques de Coober Pedy, mais leurs auteurs sont toujours invisibles et, sans un minimum de commentaires, ces peintures traditionnelles sont pour nous hermétiques. Alors, nous faisons ce que personne ne fait ici, nous interpellons un des groupes d'Aborigènes qui traînent dans les rues. Ils ne sont pas très frais et leur anglais est particulier, nous avons du mal à nous comprendre. Nous demandons où on peut trouver le peintre qui expose ses toiles à l'hôtel. D'abord interloqué, L'un d'eux nous dit qu'il va nous trouver une peinture et nous plante là. Pendant son absence les autres crient et se bagarrent, scène de ménage semble t-il... L'un d'eux s'assied au milieu de la chaussée et arrête la circulation. Les voitures s'arrêtent et attendent, personne ne dit rien. Nous attendons sans moufter notre commissionnaire. Au bout d'un quart d'heure, il revient avec une peinture qui n'a vraiment rien de traditionnel. C'est un paysage de désert, tout à fait honorable mais ce n'est pas du tout ce que nous cherchons. Nous la prenons pour ne pas le vexer et nous en tirons avec 25 dollars et quelques cigarettes.
      Le lendemain, nous faisons une rencontre extraordinaire. Tout le monde a entendu parler de Crocodile Dundee et bien , le vrai, vit à Coober Pedy. Il s'appelle Crocodile Harry, je laisse ici son vrai nom car il n'aime rien autant que la publicité !
     C'est un vieil original qui vit dans son ancienne mine tout seul à plusieurs kilomètres de la ville. Nous trouvons son antre, une carrière blanche percée de trous noirs en guise de fenêtres. La lumière sur le blanc et la chaleur sont telles que nous nous précipitons dans la galerie sans prendre le temps d'admirer l 'extérieur qui pourtant vaut la peine... juste le temps d'apercevoir des statues immenses et d'une désarmante naïveté qui gardent l'entrée. l. A l'intérieur, un crocodile mécanique nous détecte, se met à claquer des mâchoires et nous invite à déposer une offrande dans une soucoupe. Les parois sont recouvertes de dessins, photos, coupures de journaux à la gloire du héros, des objets de toutes (moulin à café, statue de la vierge, fleurs en plastique...) décorent les encoignures, avec une prédilection pour les collections impressionnantes de soutien-gorge de grande taille et de slips. Le pire mauvais goût élevé au rang d'œuvre « kitsch ». C'est un peu le palais idéal du Facteur Cheval mais version sexe. Les objets, couverts de poussière, sont à vendre. De nombreuses photos du héros le montre dans son bel âge, baraqué, torse nu et bronzé, trônant sur un monceau de crocodiles morts, quel beau mec !... ou bien au milieu de dames nues à la poitrine surdimentionnée. Quel homme!... Je suis certaine que l'auteur de Crocodile Dundee n'a rien inventé, il tout bonnement recueilli les confidences de Harry!
     Nous nous attardons dans les galeries où règne une agréable fraîcheur (25° tout le temps). L'homme paraît, tiré de son sommeil par le croco de l'entrée. Il a 82 ans, c'est un grand type maigre et un peu voûté. Il s'assied dans un fauteuil à cause, dit-il de ses rhumatismes, qu'il soigne en buvant du « Bourgogne » australien. Nous conversons, il est sympathique et il a de l'humour.
     Sa vie est un roman : il est Letton, il a commencé par être marin, ce qui lui a permis d'échapper aux Bolcheviks, puis il a été mercenaire, puis chasseur de crocodiles dans le nord de l'Australie (d'où sa gloire), puis chercheur d'opales et enfin, aujourd'hui, artiste. Il n'est jamais retourné dans son pays. Nous le quittons impressionnés en laissant notre obole.
     Dehors la chaleur nous suffoque. Nous allons nous promener dans une galerie souterraine qui abrite restaurant, hôtel, bars, boutique, exposition de photos de l'époque héroïque où la clim n'existait pas. Nous achetons pour offrir une épingle à cravate avec une petite opale incrustée.
     Les mines sont toujours aussi productives et beaucoup de gens viennent tenter leur chance, il suffit de demander une concession et, creuser et de compter sur sa bonne étoile. La ville est active et les gens, sympas, respirent la prospérité. On sent qu'ils ne laisseraient pas leur place malgré l'environnement et le climat.
A suivre

Publié dans obsindep

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C
interressant! merci!
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