Les derniers hommes libres (Australie 20)

Publié le par Surcouf

Gloria à l'oeuvre. Malgré leur grand âge et leur corpulence, les peintres aborigènes peuvent rester des journées entières assis en tailleurs.
 
Journal de voyage (Octobre 2005)
     A l'Atelier, on nous présente un monsieur aborigène très grand et très gros, une sorte de géant débonnaire, avec une bouche immense et des dents comme taillées en pointe. Il est très impressionnant, il vient de la communauté de Gloria et de Jane, et il en est le policier (Les Aborigènes gèrent eux-mêmes leurs territoires). Il me fait penser à un ogre.
    Nous rejoignons Gloria qui est devant la télé. Lorsque les peintres Aborigènes viennent à l'Atelier d'Alice Spring, ils deviennent des  stakhanovistes de la peinture. Si onles laissait faire ils travailleraient du matin au soir... ils mangent sur place, avec une assiette posée à côté d'eux apportée par leurs « protecteurs » de la galerie, et ils dorment dans leur couvertures, toujours entassées à côté de leur ouvrage, à l'extérieur, autant que possible. La télé est la seule chose pour laquelle ils acceptent de s'éloigner de leurs toiles.   
    Donc Gloria est sur le canapé devant la télé qu'elle ne comprend pas puisqu'elle ne parle que quelques mots d'anglais, cependant, beaucoup de choses la font rire et il paraît qu'elle aime particulièrement les films d'amour lorsqu'une femme hésite entre deux amoureux ou inversement. Elle dit alors qu'elle a bien connu ça.
      David nous met la cassette vidéo promise, sur les danses traditionnelles. C'est une suite de séquences en noir et blanc, de très mauvaise qualité. Les figures de danse et les rythmes des cérémonies y sont interprétées par les gens de la tribu à des fins de démonstration. On sent que derrière la caméra toutes la tribu est à la fête (parfois les gosses, les chiens passent dans le champ ou bien les danseurs se mettent à rire) Tout ça ne fait pas très sérieux mais qu'importe, on sent la bonne humeur.
    Des groupes de femmes et des groupes d'hommes se succèdent pour danser chacun à leur tour, jamais ensemble, dans la tenue des cérémonies c'est à dire très dénudés. Les femmes ont toutes un tour de taille impressionnant et leurs seins nus d'une dimension plus que généreuse sont peints, tout comme leurs bras, des fameux symboles illustrant les rêves de la famille ou de la tribu, ou encore les rêves à l'honneur dans telle cérémonie. J'ai déjà expliqué à quel point la sédentarité et nourriture moderne (sucre, conserves, alcool) nuisaient à ce peuple autrefois mince et musclé. Cette démonstration en apporte la preuve. Tous sont en surpoids de façon très importante. Pour les dames avoir une forte poitrine est appréciable car c'est l'espace le plus décoré avec de l'argile blanche.
    De temps en temps un homme seul exécute un petit ballet avec une lance en mimant les gestes du chasseurs traquant sa proie.
    Gloria s'anime à la vue de la cassette que, pourtant, elle connaît bien, elle se dandine en rythme sur le canapé et rit aux éclats. Elle montre et explique quelque chose en Pintupi, elle se frappe la poitrine en disant « Number one »... on essaie de deviner et, au bout d'un moment, elle me montre aussi en riant, et invite Nico à s'asseoir à côté d'elle sur le canapé... depuis ce moment je me perds en conjectures sur le sens de ses gestes ... première hypothèse : elle est l'une des dames qui danse (elle était plus jeune alors) et elle se considère comme la chef ou la meilleure... deuxième hypothèse : Nico lui plaît bien et elle se verrait bien en sa compagnie. Gloria, nous l'avions déjà remarqué, a un grand sens de l'humour.
    La cassette dure interminablement. David nous amène des boissons, sucrées, « à l'aspartame », précise t-il, pour préserver la santé des peintres.
Le lendemain, il doit se rendre dans une communauté lointaine pour ramener des peintures, il nous propose de l'accompagner, l'ogre-policier ici présent confirme qu'il est prêt à nous délivrer un permis (c'est une grande faveur car, d'après ce que nous avons lu, c'est très difficile à obtenir et très long. ) Nous sommes tentés mais, lorsque David nous explique qu'il va faire dans la journée 800 kms de piste pour rester un quart d'heure sur place, nous déclinons l'offre. Tout est terriblement loin dans ce satané désert et nous devons songer à redescendre vers Alélaïde, 2000 kms plus loin. Mais nous reviendrons en Australie, et là, c'est sur, grâce à nos nouvelles relations, nous pourrons prévoir la visite des territoires aborigènes.
    Le soir, nous déjeunons avec Jim qui est, parmi tous les gens que nous avons rencontré, celui qui connaît le mieux les Aborigènes. Aussi a t-il droit à toutes interrogations en réserve, et en particulier : y a t-il encore des tribus nomades qui mènent leur vie de façon ancestrale ? ... Et bien, selon lui, il y en a, il les a rencontré lorsqu'il vivait dans les territoires. Ils sont très peu nombreux, ils n'ignorent pas l'existence du monde blanc et moderne, certains l'ont connu, mais, le jugeant mauvais, ils ont décidé de lui tourner le dos. Jim nous dit leur avoir parlé et s'être « assis avec eux » un long moment, ce qui est le signe d'un vrai contact amical. Ils étaient nus, minces et forts comme leurs ancêtres et leur peau, selon Jim, était brillante de santé.
     Tout cela recoupe ce que j'ai lu avant de partir dans le livre d'une américaine (Marlo Morgan), travailleuse sociale parmi les Aborigènes, et qui relate une expérience de vie dans le désert à leurs côtés, tout à fait incroyable. D'ailleurs je n'y avait pas vraiment cru. Le livre s'appelle : « Message des hommes vrais au monde mutant » -Collection J'ai lu ». Le livre a fait scandale en Autralie, Marlo Morgan a été traitée de mythomane. 
        De même, selon Jim, le gouvernement Australien conteste qu'il puisse y avoir encore des gens à se balader librement dans le désert sans être recensés et formatés comme il convient dans un pays moderne.
     Où est la vérité ? Moi, il me plaît de penser qu'une poignée d'hommes libres perpétue le monde né du Dream-time et du rêve-désir de Baiame.
A suivre
 
Couche après couche, point par point...

Publié dans obsindep

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G
J'espère bien moi aussi qu'ils existent encore !
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